Coups de vent en mer

Coups de vent en mer est le deuxième ouvrage collectif publié par Marathon éditions. J'avais participé au premier, "L'école du futur" et je m'étais promis de participer au second, dont le thème et la cause me tenaient à cœur : la mer et le soutien aux sauveteurs bénévoles de la Société Nationale de Sauvetage en Mer - SNSM. Promesse de gascon ! Je n'ai pas pris le temps d'écrire, alors le moins que je pouvais faire était de soutenir cet ouvrage de mon mieux, d'autant qu'il comporte de belles pépites, dénichées pour toi - lectrice ou lecteur - par le blog Imagin'encre.

La quatrième de couverture : « La mer.

Fascinante et tentatrice, entre voyage et évasion, riche de mystères et de découvertes…

Appel à la liberté, appel à l’inconnu, elle s’étend, calme et vaste.

Lieu de vies, lieu de dangers, elle s’offre aux regards, dissimulant autant qu’elle dévoile.

Puis arrivent les coups de vent, les vagues prennent vie, les dangers se dévoilent, le surnaturel surgit…

Osez prendre la mer et affrontez ses coups de vent !

Ce recueil présente les quinze voyages lauréats d’un appel à textes organisé par Marathon Éditions et le blog littéraire Imagin’encre.

Parce que, courageusement, bénévolement, au péril de leur propre vie, les hommes et les femmes de la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer) viennent en aide aux navigateurs qui en ont besoin, les droits d’auteur de ce livre leur seront reversés. »

Le projet : Florence Gindre, l'éditrice de Marathon éditions, est passionnée par la mer ; le logo de sa maison d'éditions - basée à Marseille, ville portuaire par excellence - n'est-il pas un voilier ?

Les gens qui aiment la mer, aiment aussi la Société Nationale de Sauvetage en Mer, formidable association de bénévoles qui mettent régulièrement leur vie en danger pour sauver celle des autres et qui ne fonctionne que grace aux dons.

En partenariat avec Marine (ça ne s'invente pas), du blog littéraire Imagin'encre (ou imagin'ancre ?), elle a donc lancé un appel à textes sur le thème Coups de vent en mer, pour créer une anthologie éponyme dont les bénéfices seront reversés à la SNSM. Des auteurs ont répondu à l'appel du large (mais pas moi, shame on me!) et quinze d'entre eux ont été sélectionnés, dont voici la liste, donnée par ordre alphabétique :

Marie Anjoy, Laurine Bertrand, Élie Bouët, Karis Demos, Augustin Extier, Ophélie Hervet, Martin Niementowski, Christian Perrot, Marie Piroth, Estelle Raffy, R. Senelier, Jean-Marc Sire, M. Vanded, Susanne Wattelet et Bernard Weiss. 

 

Retour de lecture :  J'ai publié sur ma page Facebook et mon compte Instagram de mini-billets d'ambiance pour chacune des quinze nouvelles du recueil, pour le compte desquels j'avais glané de droite et de gauche des illustrations qui représentaient - à mon sens - l'ambiance de chacun des textes. Je vous les donne à admirer à nouveau dans cette chronique. Je salue au passage la très belle couverture de l'anthologie, réalisée par Chez CLM, dont vous trouverez également le lien en fin de chronique.


"Kraken" par Eiich Matsuba (https://www.artstation.com/artwork/xd8bm)

Une traversée Mouvementée de Marie Piroth

 

 

Cette nouvelle est donc la première du recueil à prendre la mer et c'est plutôt bien pensé puisque ce texte commence au port. On y suit les pas d'Edouard, un terrien qui se résigne à prendre la mer - malgré tout les périls qu'on lui prédit - pour gagner de quoi subsister, soigner sa mère et espérer gagner de quoi convaincre le père de Mathilde de lui céder la main de sa fille. Ne dit-on pas que la fortune sourit aux audacieux ?

Si le début de la traversée semble devoir faire taire les plus mauvaises langues, vous vous doutez bien que cela ne va pas durer. De fait, les mésaventures s'enchaînent à rythme de plus en plus effréné, au point que le lecteur se dit "Stop, ça va trop loin, là ! Ce n'est plus crédible !"
Et puis vient la chute, qu'on n'avait pas vu venir et qui pourtant explique tout. Logique, imparable.
C'est une très bonne première nouvelle, bien écrite et amusante, qui devrait rappeler des souvenirs à plus d'un lecteur ou lectrice.
Illustration : "Kraken" de Eiichi Matsuba (2015).


D'humbles pêcheurs de Karis Demos

 

Avec ce nouveau texte, nous quittons notre bonne vieille Terre pour gagner un autre univers, une planète-océan sur laquelle se seraient mélangées les légendes polynésiennes et esquimaudes. Prenez une grande inspiration et préparez-vous à plonger dans un maelstrom d'images, de sensations et d'action avec ce texte joliment en levé, certainement l'un de mes préférés de l'anthologie.

Nous y suivons le premier combat de Waātzo, jeune cétalier, contre les terribles braconniers marins du peuple Jarpa. Il peut compter dans cette épreuve sur Dahoun, son fidèle viāntana-bè, cétacé suffisamment grand et puissant pour l'emporter lui, ses deux frères et la māage Māa Kokoly, qui maîtrise les sortilèges de glace. Une aventure sous-marine ébouriffante qui réalise avec brioce que j'attends d'un texte lié aux littératures de l'imaginaire : m'emmener loin, très loin, de mon quotidien.

Illustration : "Whalers off Twofold Bay, New South Wales" de Sir Oswald Brierly (1867)


La Marie-Joseph de Jean-Marc Sire

 

Retour sur Terre avec cette nouvelle nouvelle et changement d'ambiance radical ! Bienvenue en Bretagne, terre de légende par excellence, pour une histoire de lutins pas piquée des hannetons.

Jack et Morgan sont deux lutins - vous pouvez les appeler leprechauns, je ne pense pas qu'ils vous en tiendrons rigueur - qui s'apprêtent à gagner fort peu honnêtement leur vie en transportant nuitamment un cercueil par bateau. Leur commanditaire leur a laissé par écrit tout un tas de précautions à prendre concernant le sarcophage, lesquelles vont rester lettre morte puisqu'aucun des deux ne sait lire. Vont s'en suivre toutes sortes de bévues, boulettes et impondérables qui ont profondément réjouies le lecteur que je suis. Une bonne bouffée d'air iodée au petit matin, y que ça de vrai ! Quoique de bonnes lampées de bière jusqu'au bout de la nuit, c'est pas mal aussi...

Illustration : "Elf leprechaun with beer for saint patrick's day" de aleksangel (2013)


No mercy de Christian Perrot

 

Cette nouvelle est la première petite déception que j'ai ressentie à la lecture de l'ouvrage. L'histoire s'inspire beaucoup dans son concept de Pirates des Caraïbes, avec son capitaine obsédé par un trésor maudit ; le genre d'histoire qui marche généralement bien, mais ici la plume est un peu maladroite - un peu trop de grandiloquence, notamment - et l'intrigue est surtout cousue de fil blanc : l'auteur nous donne beaucoup trop d'indices à l'avance de ce qu'il va se passer, ce qui gâche tout l'effet de surprise que l'on est en droit d'attendre d'une bonne nouvelle.

Illustration : "Kraken" de Russell Marks (2016)


Tu remonteras d'Ophélie Hervet

 

Voilà un magnifique texte qui nous renvoie à la grande époque, pas si lointaine, de la marine à voile et rend hommage aux hommes qui montaient dans la mâture pour ferler les voiles, même, et surtout, quand la tempête fait rage.

Le lecteur vit, au travers de cette nouvelle, toutes les sensations d'un gabier, confronté au froid, au vent, au vertige, à l'humidité, toutes ses émotions également. La nouvelle est bien plus proche du documentaire que de l'aventure imaginaire - l'autrice s'y raccroche par une pirouette (j'allais dire par une girouette) - mais je n'en ai eu cure, tellement je l'ai adorée !

Illustration : "Strong Cloth for Sail" de Thewinator (2010)


Ultime sanction de Marie Anjoy

 

Un gigantesque tsunami a fait Terre rase de l'humanité, à l'exception de quelques rescapés qui se sont accrochés au plus hauts reliefs. Jade fait partie du lot, mais jusque quand ? Et surtout, qu'est-ce qui a bien pu déclencher le raz-de-marée cataclysmique ?

Après un départ post-apocalyptique, cette nouvelle prend un tournant résolument Fantasy. Autant j'ai bien apprécié la première partie, autant la seconde m'a parue moins maîtrisée, un peu trop superlative.
Le texte tient par ailleurs plus du premier chapitre de roman que de la nouvelle à proprement parler.

Illustration : "Megatsunami" de Kenn Brown


Jour 77 de M. Vanded

 

Allez, on redécolle et on prend l'espace le temps d'une petite mutinerie : comme au bon vieux temps de la marine à voile, les mutins déposent leur ancienne capitaine sur une île déserte et ils repartent.

En l’occurrence l'île s'avère être une planète-océan et "elle" (on ne saura jamais son nom) aura fort à faire pour sauver sa peau. C'est que la faune locale n'est pas du tout décidée à servir de sandwich et aurait même des velléités inverses...

J'ai été complètement emporté par cette tranche de survie, bien servie par une plume que j'ai découverte pour l'occasion et que j'aurais plaisir à relire.

Illustration : "Blue Hole" de OneStepToTheWorld.com


Les papillons de Nonomi de Bernard Weiss

 

Encore un très joli texte ! Je sais que ça commence à bien faire, mais que voulez-vous ? Je ne vais quand même pas vous dire que je n'ai pas aimé pour vous faire plaisir...
L'atterrissage s'effectue dans un Japon légendaire, au royaume d'Hokuzan. Tout ne va pas pour le mieux pour la princesse Nonomi, puisque son père traverse une période très peu faste et qu'il lui refuse de surcroît d'épouser l'élu de son cœur, le très plébéien Tsutomu.

Le remède à tous ses maux pourrait bien se trouver entre les griffes acérées du puissant dragon Ryujin. Mais on ne s'empare pas du trésor d'un dragon sans péril.

Ce texte respecte tous les codes du genre, bien porté par une plume ciselée ; une autre très belle découverte.

Illustration : "Shenlong the rainbringer" de VampirePrincess007


Le prince des vagues de Martin Niementowski

 

Voilà une nouvelle qui m'a laissée sur ma fin ! Oui, fin orthographiée comme telle, parce que je n'ai rien compris à la chute... Et c'est dommage, parce que tout ce qui précède est bien écrit et construit : la mise en place est logique et bien amenée, les personnages bien campés, l'atmosphère bien rendue, etc. On s'achemine lentement mais sûrement vers une conclusion certes assez définitive pour le héros, mais logique, et puis là... "Ta gueule, c'est magique !"

J'imagine que l'auteur a d'autres projets pour son héros et l'univers qu'il dépeint dans ce texte, qu'il s'est un peu laissé emporter par son texte et qu'à 5 minutes de la deadline pour rendre son texte, il s'est dit "Mais meeerde, comment je fais maintenant ?" et du coup - Bim ! - la chute qui sort de nulle part et vas-y que je t'embrouille. Ouais, ben moi, j'achète pas !

Illustration : "Balbuzard pêcheur" d'ObjectifBalbuzard.com


Sème-le-Vent de R. Senelier

 

On renoue avec le très bon avec cette nouvelle d'obédience Steampunk, post-apocalyptique et Fantasy ; oui, tout ça à la fois ! Le premier genre tient beaucoup au dragon mécanique chevauché l'héroïne Clémence-des-orages en ouverture de texte et le dernier plus pour l'esprit des grands affrontements épiques que l'on devine en arrière-plan.
L'univers ainsi dépeint donne très envie d'en savoir plus, d'autant que la plume de R. n'en manque pas, d'ai, ce qui est assez curieux, puisque, après une introduction de très haut vol, c'est à un huis-clos plutôt oppressant - mais très réussi - que nous sommes conviés. Un texte à découvrir absolument !

Illustration : "The shatterer" de secret9010


Un trou dans la mer de Susanne Wattelet

 

Voilà une nouvelle très intéressante, qui manque toutefois d'un peu de maîtrise : l'autrice a choisi un point de vue très éloigné de son héroïne et c'est bien dommage. J'aurais été plus emporté par l'histoire - que j'ai beaucoup aimée par ailleurs - si j'avais pu ressentir les émotions d'Isodora.

L'idée principale de l'autrice était de priver la SNSM de son élément en retirant l'eau de la mer, pour mieux en exploiter les bas-fonds. Oh, pas toute l'eau, juste là où c'est intéressant, là où l'on trouve les trésors normalement engloutis, par exemple ! Isodora se trouve donc être une sorte de Moïse post-moderne, dont le seul Dieu est celui de l'argent. Cette histoire se finira-t-elle en queue de poisson ? Je vous laisse le soin de le découvrir dans l'ouvrage !

Illustration : "Exodus : Gods and Kings" de Ridley Scott


La traversée de Laurine Bertrand

 

Sans le savoir, Laurine a pris un gros risque en écrivant à la première personne du présent. C'est très utilisé dans les romans Young Adult, puisque c'est censé faciliter l'identification du lecteur ou de la lectrice au protagoniste, mais c'est aussi assez périlleux parce que la répétition des "je" peut s'avérer vite lassante.
En l'occurrence, ça ne se passe pas trop mal, notamment parce que l'histoire - que l'on aurait pu appeler "de l'autre côté du miroir des eaux" - s'avère plutôt originale et, finalement, bien racontée (ça aurait été encore mieux à la troisième personne selon moi, mais je pense que vous l'aviez déjà compris).

Allons donc droit au but et disons sans détour qu'Amy est une sorcière. Manque de chance pour elle, elle vit à une époque qui ne lui ait est pas trop favorable... Le genre d'époque où l'on a vite fait de se retrouver sur un bûcher pour peu qu'on sorte un peu du lot. Comme de juste, c'est l'ennemie jurée du feu, l'eau, qui va permettre à Amy de se réaliser. 

Illustration : "Watson and the Shark" de John Singleton Copley (1778)


Là où le temps fait demi-tour d'Augustin Extier

 

 

Comme dans la nouvelle No mercy que j'ai commentée un peu plus haut, le plus gros reproche que j'adresserais au texte d'Augustin Extier, c'est de nous indiquer bien trop tôt quelle va être la chute. En l'occurrence, l'information nous est, cette fois-ci, donnée dès le titre, et c'est bien dommage.

Pour le reste, l'histoire fonctionne bien, sans autre défaut majeur, et se laisse lire avec plaisir.
Adémar est un jeune homme de bonne famille qui profite de la traversée qui doit l'emmener à l'université. Bien entendu, cette dernière ne va pas se dérouler telle qu'escomptée, sur l'air de "Il était un petit navire" (si, vous savez, quand les vivres vinrent à manquer, ohé, ohé !).

Illustration : "Noyade" de korban tenggelam


Luciférine d'Élie Bouët

 

Voici à nouveau un très bon texte, avec une ambiance très oppressante, avec une histoire à la Abyss. On y suit les pérégrinations subaquatiques de Malcolm et de Lucie, qui vont être amenés à faire une découverte du type colossal.

On éprouve à sa lecture de belles sensations et une très bonne gestion de la tension narrative de la part de l'auteurrice ; tout y est donc presque parfait ! Presque, parce que la perfection n'est pas de ce monde, d'une part, c'est bien connu, et d'autre part parce qu'Élie commet un petit péché de gourmandise à la James Bond ; je m'explique : quand Q remet à James tout une batterie de gadgets, il se trouve que ce sont précisément ceux-là (et nuls autres) qui vont permettre à 007 de s'en sortir in extremis. Ouais, ben là, c'est pareil !

Illustration : "Terrors of the Deep" de Bacius9


Mosaïque d'Estelle Raffy

 

Nous voici - déjà ! - rendus à la dernière nouvelle de ce recueil. La mosaïque d'Estelle Raffy fait référence au damier du jeu d'échec, puisque le récit de l'histoire nous est contée au travers des échanges des deux joueurs. C'est une manière un peu artificielle de présenter les choses, puisque la partie n'apporte strictement rien à l'intrigue. La narration s'effectue à la première personne du présent ; elle aurait pu passer inaperçue, du fait du nombre très important de dialogues, mais l'autrice fait le choix assez curieux d'identifier le lecteur ou la lectrice à l'un des joueurs d'échec en utilisant le tutoiement dans la narration, tandis que le point de vue de la narration est basé sur l'autre joueur. Le rendu m'a paru assez curieux et un peu bancal. Sur le fond, l'histoire fonctionne bien, dans un registre Quatrième dimension pas déplaisant.

Illustration : "Turritopsis nutricula" de muzina_shanghai

Pour conclure Avec huit textes sur les quinze qui m'ont vraiment beaucoup plu, l'anthologie Coups de vent en mer se hisse résolument au niveau des très bons recueils de nouvelles. Six sont de véritables coups de cœur, que je vous livre par ordre d'apparition dans l'ouvrage :

  • D'humbles pêcheurs (Karis Demos)
  • La Marie-Joseph (Jean-Marc Sire)
  • Tu remonteras (Ophélie Hervet)
  • Jour 77 (M. Vanded)
  • Les papillons de Nonomi (Bernard Weiss)
  • Sème-le-Vent (R. Senelier)

La mosaïque des textes permet de littéralement s'immerger dans l'univers maritime, sa beauté et ses dangers, en surface comme dans les abysses. C'est un très beau cadeau à se faire pour les vacances d'été, à lire les doigts de pied en éventail, allongé-e sur le sable. 

C'est de surcroît une bonne action à rendre aux sauveteurs en mer, ceux-là même qui, peut-être, seront amenés à vous sauver la peau, s'il vous prenait l'idée - sotte et grenue - de tâter de la dérive malgré la lecture de cet opus.

Il me reste à remercier Marathon éditions de m'avoir contacté pour ce Service Presse via le site SimPlement.pro et de les féliciter - ainsi que Marine du blog Imagin'encre - pour l'excellence du travail accompli !

Pour aller plus loin :

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