Moi, mon double et ma moitié ?

Moi, mon double et ma moitié ? est le premier tome d’une série de science-fiction qui en comporte au moins deux,  écrit par Défi Kombe Ndjondo. L'auteur a su mélanger ses connaissances en droit et sa fascination pour le multivers pour proposer une romance qui parcours le temps et les dimensions parallèles. Il s'agit d'un texte court de 158 pages qui en aurait mérité bien plus.

 

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Résumé : « À Limoges, un jeune homme doté de capacités extraordinaires va découvrir l'existence d'univers parallèles. Amoureux de sa camarade de classe qui a déjà un petit ami, il va tenter sa chance avec le double de sa bien-aimée, dans une autre dimension. Il sera surpris lorsqu'il se rendra compte que la fille qu'il aime sort déjà avec son propre double dans cet autre univers. Dans le futur, l'un de ses doubles l'accuse d'avoir provoqué un chaos à travers les univers et le tient responsable de la mort de sa bien-aimée. Il a la ferme intention de lui faire regretter ses actes. Une juridiction sera créée afin de faire régner l'ordre et la paix à travers les dimensions. La découverte de l'existence des univers parallèles ne va-t-elle pas bouleverser l'équilibre des mondes ? »

L’auteur : C’est à 28 ans que Défi Kombe Ndjondo se lance dans l’écriture, « un peu par hasard » avoue-t-il à mi-mot. Passionné depuis son enfance par la science-fiction, il décide de créer sa propre histoire, en abordant notamment la théorie des multivers et celui du droit fictif. « Les univers parallèles m’ont toujours intéressé. Je me suis d’ailleurs inspiré des films Retour vers le Futur ou encore Hors du Temps pour aborder les multivers. Le droit et la science-fiction n’ont rien à voir, je me suis donc demandé pourquoi ne pas fusionner les deux et créer quelque chose de nouveau ? », explique-t-il.

 

(Source : Interview Flash FM – 26 octobre 2018)

 

Retour de lecture : Autant le dire tout de suite, lire Moi, mon double et ma moitié ? s’est avéré une purge : l’auteur ne maîtrise pas du tout les codes du roman et, faute de conseil éditorial sérieux – merci Edilivre et Les éditions du Lys Bleu – propose un ouvrage qui hésite entre récit narratif, pièce de théâtre et scenario de film ; au niveau de la forme, c’est vraiment la catastrophe ! J’y reviendrai, parce que sur le fond, même si je regrette quelques facilités et très gros raccourcis, l’intrigue, sur fond de romance interdimensionnelle, est loin d’être inintéressante.

 

Pour en revenir au style, la plus grosse malafresse tient à la narration, qui ignore presque totalement le précepte Show, don’t tell ! Plutôt que de nous dire ce qu’il se passe, l’auteur devrait nous le faire vivre ; mais c’est trop rarement le cas. De ce fait, on n’est pas embarqué dans l’histoire, on en reste spectateur :

« Une fois chez lui, alors qu’il était très triste sous sa couverture et à moitié endormi, son psychisme s’est mis à s’éveiller jusqu’à atteindre un stade très élevé, à telle enseigne que lorsqu’il a tendu sa main, accidentellement ou inconsciemment, Teddy ouvrit un portail dimensionnel en forme de voûte.

Réveillé l’instant d’après par le bruit qu’émettait le portail, il fut terrifié par ce qu’il voyait et, à travers ce passage, il aperçut l’exacte réplique de sa chambre. Après plusieurs hésitations, il prit son courage à deux mains et traversa le portail. »

Je passe sur la passé composé qui n’a rien à faire là, et même sur le portail dimensionel qui s’ouvre comme par enchantement sur le mode « Ta gueule, c’est magique ! », mais on ne sait même pas à quoi ressemble ce portail exactement : il est en forme de voûte et émet du bruit, certes, mais s’agit-il d’un tunnel, d’un miroir d’eau, d’un mur de lumière ? Le portail craquète-t-il ou crisse-t-il, émet-il des effets larsen ? Plutôt que de nous dire que Teddy est terrifié, l’auteur aurait pu nous parler des battements affolés de son cœur, de son souffle court, de son mouvement de recul…

Au niveau des dialogues, c’est encore pire :

 

« — Hey ! Salut chéri ! Comment vas-tu ? dit Claire de cette dimension.

Teddy (Dans ses pensées) : Quoi ?!!!

Cette réalité était comme un rêve.

Teddy était plus que surpris.

Claire (Dimension parallèle 1) : Pourquoi tu as l’air si surpris ? C’est moi qui devrais l’être pourtant, tu ne m’avais pas dit que tu ne pouvais pas te libérer aujourd’hui.

Teddy : Ah… Oui… Eh ben. C’est-à-dire que… (embarrassé) J’avais tellement envie de te voir que je n’ai pas pu résister… Je voulais te voir avant que tu n’ailles au cours. Mais tu peux aller en cours, je ne veux pas te retarder plus longtemps.

Claire (Dim. 1) : Hum, t’es un peu bizarre (inquiète), on a passé toute la nuit ensemble et tu veux encore me revoir (rit) c’est l’amour fou, dis donc ! »

 

Le premier reproche, c’est que j’ai arrêté de compter les dialogues dans lesquels les personnages se demandent comment ils vont et y répondent. Je suis bien d’accord pour dire que, dans la vraie vie, c’est quelque chose que tout le monde fait, mais dans un roman, ça n’a strictement aucun intérêt. Le deuxième tient aux indications scéniques qui apparaissent entre parenthèses, à la façon d’un scenario, qui n’ont rien à faire dans une œuvre littéraire et qui auraient avantageusement pu être remplacées par incises ou narration. La troisième ce sont les ouvertures de dialogue qui introduisent les personnages, à la manière d’une pièce de théâtre et qui auraient dû être gérés de manière plus conventionnelle :

 

« — Hey ! Salut chéri ! Déjà de retour ? s’enthousiasma Claire, en se jetant dans ses bras.

Teddy resta interloqué et ne sut que répondre, ni que faire, tandis que le sosie de la femme qu’il désirait se lovait dans ses bras. Son parfum l’étourdit, ses lèvres dans son cou déclenchèrent un long frisson de plaisir. Elle prit trop vite du recul à son goût :

— Je croyais que tu ne pouvais pas te libérer aujourd’hui ?

—  Ah… Oui… C’est-à-dire que… bredouilla-t-il. J’avais tellement envie de te venir te rejoindre que je n’ai pas pu résister ! Je voulais te voir avant que tu ne partes en cours. Mais si tu dois y aller, je ne veux pas te retarder plus longtemps.

— Après la nuit que nous avons passée ensemble, je ne demande qu’à être retardée ! »

 

Cette accumulation de maladresses et de lourdeurs – incluant moult répétitions – a très clairement gâché le plaisir de ma lecture. Ce qu’a très bien réussi l’auteur, par contre, c’est de monter une intrigue qui multiplie les allers-retours tant dans plusieurs univers parallèles que dans le temps, sans perdre le lecteur. Il s’est pourtant bien compliqué l’existence en interchangeant l’apparence et le nom de certains personnages en fonction de l’univers parallèle dans lequel ils vivent : pourquoi certains et pas tous ? Mystère et boule de gomme, c’est magique, on vous dit !

 

Je ne suis pas amateur de romance, aussi suis-je loin de porter un regard d’expert sur cette partie – très importante – du roman. Pour autant, je n’ai pas été convaincu par les péripéties amoureuses de grosse vingtaine de personnages qui hantent les différentes dimensions : le temps doit être à l’orage car les coups de foudre se multiplient comme autant de pains au cours d’un match de boxe et on change de partenaire au gré des besoins de l’auteur, sans un regard en arrière ; c’est le sentiment que j’en ai eu, à tout le moins. Le seul qui échappe à la règle reste Teddy, indéfectiblement amoureux de la belle Claire de sa propre dimension, ouf !

 

L’auteur met beaucoup en avant la partie légale de son roman, s’appuyant sur sa connaissance en matière de droit pour introduire des concepts – déjà vus par ailleurs – de police du temps et des dimensions. Il pousse le bouchon un petit peu plus loin en évoquant une Cour Interdimensionnelle de Justice et des Droits Humains (CIJDH), qui doit statuer sur les crimes commis par les accusés en dehors de leur propre dimension, et, plus original encore, sur le statut des enfants nés de parents appartenant à des dimensions différentes. Cette partie, la plus intéressante du roman, n’arrive qu’à la fin de ce premier tome et c’est bien dommage. Se pose d’ailleurs la question de la raison qui a conduit l’auteur à ne pas faire qu’un seul roman des deux tomes, compte-tenu du faible nombre de pages qu’ils renferment tous deux : l’assemblage eût composé un roman d’un peu plus de 350 pages, pas de quoi effrayer une lectrice ou un lecteur averti. 

Pour conclure : L’univers développé par Défi Kombe Ndjondo ne manque pas d’intérêt, ni d’originalité, mais je ne vous en conseille pas la lecture à ce stade. Moi, mon double et ma moitié ? est un roman (trop) court, écrit (trop) rapidement et publié sans aucun travail éditorial, ce qui gâche pour l’instant tout le potentiel que son intrigue recèle. 

Ce texte est passé par les mains de deux maisons d'édition - ou qui se revendiquent comme telles, du moins - Edilivre et Le Lys Bleu : pas une seule des deux n'a porté à l'attention de l'auteur les erreurs stylistiques évidentes de son texte, ce qui démontre - si besoin était - que toutes ces maisons d'édition "à compte d'éditeur" alternatives, ne font aucun travail éditorial et se contentent de percevoir de l'argent de la part des auteurs, sous différents prétextes.

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