L’affaire écossaise

L’affaire écossaise forme le premier tome des aventures de Leslie, espion du Roi Louis XV. Un premier tome qui en appelle manifestement d’autres, puisque l’auteur nous fait miroiter une affaire génoise à la fin de ce premier opus. Ce roman de 240 pages a été publié aux formats électronique et broché chez Librinova ; il est disponible au format électronique chez la plupart des distributeurs en ligne.

Résumé : « Jeune Écossais renié par sa famille, Ewan a choisi de servir le roi de France Louis XV. S’étant distingué par sa bravoure, il est recruté par le puissant ministre de la Guerre pour devenir son agent secret en Suède. Il doit y retrouver le précédent espion français mystérieusement disparu.

Cette mission finit par le ramener en Écosse, au secours du prince Charles-Edouard Stuart.

Des champs de bataille aux dorures de Versailles, des ports suédois aux plaines écossaises, l'agent Leslie devra survivre à mille dangers, en apprenant le plus périlleux métier qui soit : espion du roi. »

L’auteur : Né en 1974, Stéphane Genêt, est professeur agrégé, enseignant dans le secondaire à Tours.

 

Passionné du XVIIIe siècle et d’espionnage, il aime raconter des histoires issues de ses recherches et de son imagination.

 

Spécialiste de l'histoire de l'espionnage et des relations internationales au XVIIIe siècle, il a obtenu un doctorat en histoire moderne à l'Université Paris IV (2010) où il a soutenu sa thèse "Renseignement militaire et actions secrètes de la guerre de succession d’Autriche au traité de Paris (1740-1763), dir. Lucien Bely".

 

Son ouvrage intitulé "Les Espions des Lumières : Actions secrètes et espionnage militaire sous Louis XV", a été publié en 2013 (Nouveau Monde Editions) et au Québec en 2018 (Septentrion), est issu de cette thèse.

Source : https://www.lanouvellerepublique.fr

 

Retour de lecture : Ce roman, assez court, se lit facilement, la plume de l’auteur s’avérant plutôt plaisante à lire. S’agissant d’un roman historique, je m’attendais à la voir enrichie de formulations empruntées au XVIIIe siècle, comme on a pu en lire dans « Les enquêtes de Nicolas Le Floch », sous la plume de Jean-François Parot. Si les dialogues se parfument de ce phrasé, la narration, elle, en est presque complètement absente. Je dois bien avouer en avoir été un peu déçu pour ma part, mais cela ne constitue pas pour autant un problème en soit. J’ai relevé un placement assez aléatoire des virgules, notamment dans les premiers chapitres, mais le plus gênant reste les changements de point de vue de narration qui ne sont pas suffisamment maîtrisés. Heureusement, leur occurrence n’est pas assez régulière pour devenir irritante. Ce roman aurait mérité un véritable travail éditorial pour accompagner l’auteur et l’aider à magnifier une plume qui se lit déjà facilement.

Si la forme, d’un bon niveau, aurait pu être plus aboutie, le fond historique, quant à lui, est parfaitement maîtrisé. Les connaissances de l’auteur se ressentent dès les premières lignes par le placement de bons mots d’hommes illustres dans le cadre de la bataille de Fontenoy.  L’affaire écossaise s’avère très réaliste et permet de comprendre que le travail d’espion à l’époque souffrait du temps qu’il fallait pour collecter et acheminer les informations, d’autant plus quand le dit espion opérait en Suède et reportait au Ministre de la guerre du Roi Louis XV, à Versailles. L’inconvénient de coller d’aussi près à la temporalité de l’époque, c’est qu’il ne se passe pas grand-chose dans nombre de chapitres. La partie suédoise de L’affaire écossaise s’avère ainsi assez creuse. L’autre bémol de l’aisance de Stéphane Genêt, c’est que la contextualisation est parfois un peu succincte, au détriment de la compréhension du lecteur. C’est particulièrement le cas dans le chapitre deux, qui aborde de manière trop rapide à mon goût, la situation politique et militaire de l’Europe au milieu du XVIIIe siècle, d’autant que les narrateurs sont nombreux et pas forcément bien identifiés. De ce fait, l’intrigue historique se fait assez floue à cet instant-là, qui ne dure heureusement pas.

Du point de vue de l’atmosphère qui se dégage du roman, j’ai regretté que l’auteur ne prenne pas toujours le temps de nous immerger pleinement dans le contexte historique en sollicitant nos sens, hormis celui de la vue. Dans l’ensemble le roman manque de beaucoup de descriptions et aurait mérité une bonne centaine de pages supplémentaires pour étoffer un peu les premiers chapitres et complètement nous immerger dans le siècle.

S’agissant des personnages, j’ai regretté que le protagoniste, Ewan Alexander George, baron de Blantyre, manque de consistance : ce monsieur parfait ne boit pas, ne fume pas, ne b… Ah, si, une fois ! Mais cela n’amène rien… Son seul travers est un toc, qui consiste à mettre un point d’honneur à n’être pas considéré comme un espion, alors que c’est précisément un fait d’espionnage – entrepris de son propre chef – qui le fait connaître au début du roman ! Je me suis par contre beaucoup attaché à son comparse, Lancelot Crissac, du fait même de ses défauts, au contraire d’un Leslie trop lisse. Les personnages secondaires sont plutôt bien brossés et ce sont finalement les chapitres dédiés à l’ennemi – la perfide Albion – que j’ai trouvé les plus réussis, avec une mention spéciale au très angoissant Guy Dickens et à son chien : quel dommage, s’agissant de ces derniers que toutes les promesses annoncées par l’auteur ne soient pas tenues. Idem, d’ailleurs, à propos de John Lefebure, qui semble annoncer un complot dans le complot du complot alléchant, mais qu’on ne revoit jamais.

Dans l’ensemble, les scènes d’action sont plutôt bien menées : l’économie de détail les rend fluides et rythmées, tout en restant lisibles. Par contre, dans les moments cruciaux, l’auteur se perd presque systématiquement. Il me revient notamment à l’esprit ce passage au cours duquel Leslie est entravé par les bras et les jambes, mais parvient malgré tout à se libérer grâce à une dague glissée dans ses bottes :

« Alors qu’il levait la tête, il vit que ses mains étaient attachées et ses bras suspendus à une poutre. Ses jambes trainaient au sol. Elles étaient aussi entravées aux pieds. […] Soudain, Leslie réalisa qu’ils leur (sic) avaient laissé ses bottes. Or, il y avait toujours sa dague. Une vieille habitude écossaise. Il serra ses pieds l’un contre l’autre jusqu’à sentir le métal contre sa peau. L’espoir revint. Il se mit sur la pointe des pieds et approcha ses mains retenues par la corde, de la poutre à laquelle elle était attachée. Il frotta contre le bois. Le glissement lui brûlait les poignées à chaque mouvement. »

Si quelqu’un comprend comment l’espion du Roi est parvenu à se libérer, qu’il me contacte !

Je critique, je critique, mais ce roman mérite pourtant qu’on lui donne sa chance ! 

 

Verdict : Si vous aimez, comme moi, que l’on mêle la fiction au fait historique, assurément L’affaire écossaise saura trouver grâce à vos yeux. La partie écossaise de l’affaire est certainement la plus prenante ; on y retrouve tout à la fois la magie et la tragédie des clans écossais, la brume des Highlands et l’éclat de l’acier, et l’on se prend à regretter que Stéphane Genêt n’ait pas consacré une part plus importante de son roman à cette seule partie. C’est un roman intéressant, historiquement fiable et plaisant à lire, qui gagnerait à être enrichi d’une centaine de pages et d’un héros moins parfait. J’aurai plaisir à découvrir la prochaine aventure de Leslie, l’espion du roi !

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