Les Lectures Voyelles

Les lectures Voyelles de Philippe Aurèle présentent :

 

PARIZ

Rodolphe Casso

Éditions Critic

 

Couverture : Aurélien Police

Maquette : Éric Marcelin

 

Parution : Octobre 2016

ISBN : 979-10-90648-81-4

 

Genre : Apocalypse Zombie

Format : broché

 

Prix : 22,00€ / 452 pages

 

Résumé éditeur :

« Moi c'est La Goutte, dit La Goutte. Lui c'est La Gâchette et l'autre c'est La Gobe. On en restera là.- C'est des clodos, lâcha Kevin, sans lever les yeux. Les clodos n'ont que des surnoms. Des surnoms pour des sous-hommes. »

Dans un Paris ravagé par l’apocalypse zombie, trois clochards tentent de survivre, tapis dans les souterrains d’une station de métro. La Goutte, vieillard alcoolique au dernier degré, a déjà un pied dans la tombe. La Gâchette, originaire du Mozambique, est un ex-enfant soldat. Quant à La Gobe, jeune teufeur frappé de débilité, il ne doit son salut qu’à Goa, son chien d’attaque et cerveau auxiliaire.

Dans les entrailles de la cité, ils rencontreront deux membres de la Restauration Française, en mission suicide pour un colonel putschiste qui a fait main basse sur l’Assemblée nationale. Si cette paire de nazillons s’imagine pouvoir sauver la Ville Lumière, les vagabonds poursuivent un objectif plus modeste : renflouer leur stock d’alcool.

Coulé dans le béton parisien en l’an punk 1977, Rodolphe Casso a débuté dans la presse rock avant d’écrire aussi sur les jeux vidéo, la télévision ou le cinéma. Il a également monté plusieurs projets musicaux en tant qu’auteur-compositeur-interprète et s’est produit sur de nombreuses scènes parisiennes. PariZ est son premier roman.

 

Comment ce livre m’est-il tombé entre les mains ?

Fin 2016, j’ai connu une transe Z, déclenchée par « Le Club des Punks contre l’Apocalypse Zombie » de Karim Berrouka, dont le titre m’avait fait marrer et à lui seul poussé à l’achat. Comme le vampire que je suis, j’ai pris goût au sang et j’ai cherché une autre proie de choix pour étancher ma soif de cervelles plus ou moins fraîches. Peu de temps après sortait « PariZ », qui présentait des similitudes assez marquées avec son prédécesseur : il s’agissait de marginaux (punks pour Karim, clochards pour Rodolphe) qui luttaient pour survivre à une apocalypse zombie dans Paris. Je n’ai dès lors eu de cesse que de me procurer la bête.

 

Tirez pas sur l’Ambiance

Question Ambiance, Rodolphe Casso envoie du lourd : d'abord « PariZ » est un livre qui schlingue la mort, et plus si affinités. Ça commence très fort avec une description olfactive de La Goutte ; l'odeur de la merde et de la putréfaction ne nous lâchera qu'épisodiquement au cours de la lecture :

 

« En reprenant lentement conscience et avant même d’ouvrir les yeux, le clochard réalisa très vite l’ampleur des avaries. Tous les voyants de son cockpit mental flashaient et gueulaient de panique. Peu à peu, le système nerveux reprenait les commandes, après plusieurs jours d’anesthésie générale. Une douleur vive et régulière lui compressait tout le front chaque fois que le sang passait dans ses tempes. Sa jambe malade commençait à le lancer. La sensation prenait source aux orteils pour irradier jusqu’à la rotule. Pendant ce long sommeil, l’estomac avait rendu ce qu’il avait reçu, refluant en vifs spasmes l’alcool vers la commissure des lèvres. Une mixture qui, par vagues acides, venait se mêler, toute de bile et de grumeaux, à la texture déjà poisseuse et puante des poils synthétiques du manteau. Le sphincter avait depuis longtemps renoncé à retenir les selles de son propriétaire qui s’étaient répandues dans son pantalon de velours côtelé jusqu’aux chaussettes, avant de sécher comme de la cire à épiler autour des poils. »

 

Les autres sens ne sont pas en reste, l'ami Rodolphe nous régalant de quelques crus classés pour ce qui concerne le palais – de la 8.6 au Cognac hors d'âge – de descriptions visuelles du plus « bel » effet et d'une bande son particulièrement fournie et éclectique, de Joe Dassin à Mötorhead, en passant par Johnny et Jacques Brel, entre autres.

 

Vous avez déjà fait connaissance, de fort belle manière, avec La Goutte : sous ses abords de déchet de l’humanité à la cervelle rongée par l’alcool – rhum arrangé cervelle, faudra que j’essaye, ça devrait plaire aux amateurs de cabinets de curiosité pendant la macération – il s’avère être le narrateur et le personnage principal du roman. Cet homme brisé est celui qui saura le plus faire montre d’humanité, notamment vis-à-vis des plus défavorisés que lui – si, si, ça existe – à commencer par La Gobe.

Puisqu’on en parle, j’ai le plaisir de vous présenter cet ancien raveur devenu baveur suite à un léger abus de substances diverses et avariées. Ce non-personnage, que nous apprendrons à aimer au travers des yeux de La Goutte, dispose d’un atout quadrupède : Goa, un mastiff massif, qui sauvera plus d’une fois la peau – et la cervelle – de nos anti-héros.

Le dernier protagoniste, surnommé La Gâchette, est un ancien enfant-soldat encore hanté par son passé. Il a déjà vu bien des horreurs et ce n’est pas un apocalypse zombie qui va l’impressionner…

Le Grand Méchant de l’Histoire, c’est les autres… TOUS les autres, qu’ils aient la peau grise ou la vêture kaki. Parce qu’au travers de cette grande catastrophe qu’est un apocalypse zombie, Rodolphe Casso se livre à une grande critique de notre société, notamment la propension de l’humanité à l’inhumanité.

 

Hé,  crie « TURE ! » mais moins fort, y a les zombies

Au niveau de la plume, « PariZ » se lit avec bonheur : les dialogues sont percutants, les descriptions appropriées, rien ne fait saigner les yeux. Tout au plus pourrais-je reprocher à l'auteur quelques expressions un peu faciles par moments.

J'ai souvent du mal à m'affranchir du contexte historique, mais ce roman est un bel exemple qu'on peut le faire avec réussite : aucune date n’est mentionnée dans le texte – on sent bien que c'est du contemporain au travers de certaines références historiques liées aux personnages – mais ça ne pose strictement aucun problème. C'est également l'un des très rares romans dans lequel on ne s'identifie à aucun des protagonistes (pour ce qui me concerne au moins), mais on n'en tremble pas moins pour leur peau. Rodolphe Casso n'en fait pas des caisses, mais c'est toujours efficace. Je souligne un beau travail sur les citations de début de chapitre, toujours en lien avec Paris de manière directe, et avec les Zombies de manière plus subtile.

 

« On voudrait tant les chasser, ceux qui gênent, toutes ces gueules cassées qu’on croise dans les métros et les coupe-gorges de Paris, toutes ces gueules illisibles sous les coutures et les raccords plastiques. Leur difformité physique est le reflet de notre monstruosité mentale. »

Gilles Leroy, Alabama Song.

 

Les Z’Intrigues de PariZ

A risque de vous spoiler un peu, ce roman Z reste dans les clous des dernières productions du genre ; le plaisir de la lecture tient au récit lui-même, pas à la revisite du genre. C'est un vrai classique, du genre qu'on doit recommander à quiconque commence à s'intéresser à l'univers Z et que tous les amateurs spécialisés se doivent de posséder. L’intrigue elle-même n’est pas d’une importance capitale : comme dans la vraie vie, nos trois héros SDF ne vivent que pour survivre et ne font pas souvent ce qu’ils veulent. Les raisons de l’apocalypse zombie – très conventionnelles elles aussi – apparaissent de manière anecdotique au détour d’un dialogue.

Il n’empêche que nous découvrons que le background des clodos n’a rien d’anecdotique et qu’il se révèle même décisif à l’occasion d’une scène d’anthologie à l’Assemblée Nationale. C’est bien pensé et bien mené.

Le mythe du zombie – cœur mort et mangeur de cervelle – peut être vu, au travers de ce roman, comme une métaphore de notre incapacité à utiliser correctement notre intelligence et notre capacité à aimer.

 

Cet obscur Objet du dézir

Ce sera ma première vraie critique, niveau rapport prix/temps de lecture, ce livre est nul ! Acheté la veille et  fini le lendemain : c'est quoi cette arnaque ? Pour le reste, on en a pour son argent :

La couverture d’Aurélien Police – à qui on doit de nombreuses autres merveilles qui ornent les couvertures des romans de Thomas Day par exemple ou encore celle de « La Voie des Oracles » d’Estelle Faye – est absolument somptueuse.

Le pelliculage tient en place, contrairement à celui d’un autre ouvrage du même éditeur (que ce dernier m’a proposé d’échanger) et après deux années de bons et loyaux service, les 452 pages de ce bon gros pavé tiennent encore en place sans montrer de signes avant-coureurs de faiblesse et la tranche n’est même pas abimée.

Il y a bien quelques coquilles et oublis de correction de-ci et de-là mais suffisamment anecdotiques pour que cela n’entrave pas le plaisir de la lecture.

 

Universel bien claires

Ce roman est destiné à un public adulte que je n’offrirais pas à un ado de moins de 15 ans. Il y a pas mal de scènes violentes et les descriptions n’éludent en rien l’horreur d’un apocalypse zombie. Les thèmes abordés, comme l’ambiance du roman, le destinent donc à un public mature et averti.

Rodolphe Casso est en train de transpirer sang et encre sur un deuxième opus de PariZ (le DeuZ, quoi), ce qui est pour moi une excellente nouvelle !

 

Alors, Youpi ou Yucca ?

En conclusion, est-ce que j'en redemande ? Et comment ! Rodolphe Casso arrive à faire entrer un peu de finesse – mais pas que – dans le monde bien bourrin des zombies. Comprenons-nous bien, et j'en arrive enfin à mon deuxième spoil : « PariZ » est sans intérêt pour tous ceux et toutes celles qui recherchent de l'émotion légère et du sentiment. Ne recherchez pas de crinoline dans le texte, il n'y en a pas et à peine plus de femmes tout court, d'ailleurs. Si c'est ce que vous recherchez, passez votre chemin, ce livre n'est pas pour vous. Pour autant, dans la maîtrise de sa plume comme dans sa fin subtile, l'auteur démontre une belle maîtrise et m'a totalement convaincu.

Je n’ai pas lu ce bouquin, je l’ai dévoré avec un appétit de goule : je me suis repu de ses entrailles, je lui ai sucé la moelle, j’ai rogné l'ossature de l'intrigue jusqu'à m'en faire péter la panse. Le cerveau en lambeau, je n'ai jeté l’éponge – vers 3 plombes du mat' – que pour mieux me traîner à nouveau vers sa charogne le lendemain matin, la bave aux lèvres. Une fois mon estomac littéraire rassasié, et l'électro-encéphalogramme plat, je n'ai ensuite eu de cesse que de pondre ma critique...

 

À mon sens, « PariZ » vaut bien une messe.

 

« La Goule rampe au beau milieu d’un enchevêtrement métallique. Il abandonne ses jambes derrière lui, sectionnées net au niveau du bassin. Des chapelets d’intestins se déroulent de son abdomen et traînent à sa suite sur l’asphalte. Sa laborieuse reptation, à raison d’un seul bras valide, l’emmène à hauteur d’une nacelle cabossée. Il lui faut plus d’une heure pour s’extirper du piège d’acier, avant de reprendre la direction des lumières rouges qui embrasent le ciel. »

 

 

En vente sur le site des éditions Critic

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