Les lectures Voyelles de Philippe Aurèle présentent :
L’ACADÉMIE DIPLOMATIQUE D'ISULDAIN
Les Ombres Assassines
Arthur Ténor
Éditions Scrineo
Couverture : Anne-Claire Payet
Maquette : Clémentine Hède
Parution : Août 2018
ISBN : 978-2-3674-0628-2
Genre : Fantasy
Format : broché
Prix : 12,90€ / 159 pages
Résumé éditeur :
La secte d'Anghor l'avait promis à Isuldain : sa capitale Éa-Kyrion connaîtrait la pire vague de terreur de son histoire. Ce jour de vengeance est arrivé !
Mêlées à la population, les Ombres assassines commettent des crimes ciblés, organisent des attentats, sèment la mort. L'empereur mobilise toutes ses forces, des simples portiers aux Chevaliers d'Isuldain.
Même sa prestigieuse Académie diplomatique est sollicitée. La toute jeune chambrée des Crépusculaires entre avec fougue dans cette affreuse crise. Pourtant, elle a déjà ses propres conflits internes à surmonter, ce défi inouï de faire vivre et agir ensemble un semi-orque, deux elfes, un Maraudeur au caractère bien trempé, une Sorcière des Mondes glauques et un ancien élève de la Confrérie des magiciens.
S'ils y parviennent, combien périront ?
Comment ce livre m’est-il tombé entre les mains ?
Attiré par la couverture de l’ouvrage, j’ai participé à un concours Facebook organisé par la maison d’édition Scrineo qui permettait d’en remporter un exemplaire dédicacé. J’ai eu la chance d’être tiré au sort et il me semblait donc naturel de le lire rapidement et d’en faire une chronique à titre de remerciements.
Comme un Air de déjà vu ?
« L’Académie Diplomatique d’Isuldain » reprend la recette, bien connue des lecteurs de « Harry Potter », de l’école qui fait monter en puissance un groupe d’adolescents. Le cadre est toutefois différent car il s’inscrit cette fois-ci dans un univers de Fantasy original (et non en Urban Fantasy comme le héros de JK Rowling), que l’on sent particulièrement riche et foisonnant.
L’action de ce premier tome prend place dans la capitale de l’Empire d’Isuldain, Éa-Kyrion, qui règne sur tout le monde connu, pour autant qu’on le sache. La cohésion de cet Empire tient en son corps de diplomates, chargé de prévenir et de résoudre toutes les tensions de cet immense conglomérat de nations et peuplades disparates, aux mœurs, langues, us et coutumes divergents quand ils ne sont pas opposés. Elfes de tous types, nains, gnomes-trolls, orques et probablement d’autres races cohabitent avec la majorité humaine, de même que l’auteur nous donne à apercevoir un bestiaire de créatures plus ou moins originales, à commencer par les dragons dont au moins une race a été plus ou moins domestiquée.
Akron est sans conteste le protagoniste le plus affirmé de ce premier tome. Il est en butte au rejet quasi-systématique de la population en raison de sa nature hybride, moitié humaine et moitié orque. Pour autant l’auteur prend un peu le contrepied de ce qu’on pourrait attendre d’un semi-orque en le présentant la plupart du temps comme le plus raisonné de la chambrée. Sa peau est grise et parcheminée, ses yeux sont noirs et il n’a pour toute pilosité qu’une barbichette sous le menton.
Ivaar est le deuxième personnage le plus important ; fils de mercenaire, il reprend pas mal de l’archétype du barbare, notamment pour ce qui concerne son impulsivité. Assez curieusement, c’est lui qui va dénouer l’intrigue. Ses yeux clairs et ses cheveux blonds tressés en nattes en font un personnage assez charismatique.
Éléona est une elfe plutôt classique à ce détail près qu’elle a noué un lien avec un dragon. Brune aux yeux verts elle est la première de la chambrée à accepter Akron.
Phéon est quant à lui un elfe des songes à même de ressentir les émotions de ceux qui l’entourent, notamment la nuit. Pâle de peau, de poil et d’œil comme un spectre, il est très présent dans la première partie du roman avant de s’effacer progressivement.
Mithrite est une sorcière des Mondes glauques à l’apparence assez orientale. Dans l’Empire d’Isuldain, les sorciers et sorcières ont en effet été exilés dans une région marécageuse, dont ils tirent leur nom. Ses pouvoirs, tout comme ceux de son confrère magicien Orhass, au regard et au cheveux bruns, se montreront aussi limités que leur présence dans ce tome.
Ces six personnages constituent la chambrée des Crépusculaires. L’Académie Diplomatique compte trois autres chambrées : les Bienveillants, plutôt proches des Crépusculaires, les Perspicaces, qui restent relativement neutres et les Vaillants, dirigé par le vindicatif Krizor, qui sont clairement antagonistes. Vous aurez peut-être remarqué qu’il y a autant de chambrées de noviciat qu’il existe de maisons dans Harry Potter. L’une des originalités du concept de chambrée est toutefois que les six membres qui la composent ne peuvent progresser qu’ensemble. C’est leur complémentarité qui fait leur force, mais ils doivent avant tout apprendre à s’apprécier, ce qui est loin d’être gagné d’avance.
Comme dans la saga Harry Potter, des professeurs interviennent dans différentes matières : combat, histoire impériale, ethnosociologie, techniques de manipulation mentale, géopolitique, langues (1.200 recensées et 37.300 dialectes), bonnes manières et coutumes de l’empire, art de l’éloquence et de la comédie et la diplomatie à proprement parler. Ce dernier cours est professé par Méléandion qui est également le mentor des Crépusculaires, fin croisement de Yoda (pour la taille), Gandalf (pour la magie) et Dumbledore (pour l’enseignement).
Ce foisonnement de personnages – auxquels il convient d’ajouter d’assez nombreux autres personnages secondaires – contribue à créer un environnement riche mais à ce stade pas encore très fouillé, la faute à premier volume assez court.
« Les jeunes gens blêmirent, sauf Phéon qui avait naturellement le teint pâle et Akron qui l’avait trop sombre pour que cela se vît. C’est lui qui trouva la ressource de répondre :
- Les Crépusculaires !
- Ah oui ? C’est intéressant. Et pourquoi ce terme, novice Akron ?
Le sang-gris s’empara du bras de l’elfe des Songes à sa droite.
- Nous sommes des êtres de la nuit… mais aussi du jour, poursuivit-il en posant une main sur l’épaule d’Orhass à sa gauche. Chacun à sa façon oscille entre le clair et l’obscur d’une personnalité complexe. Phéon l’elfe des Songes si doux en apparence, en apparence seulement, Mythrite des Mondes Glauques, d’une brutale franchise, Orhass l’ombrageux, vantard mais fiable, Ivaar le fougueux rayonnant, Éléona l’elfe si fragile qui dompte les dragons et moi, mi-ceci et mi-cela. Au centre de nos différence, vous trouverez une forme de crépuscule, d’où la chambrée de Crépusculaires. »
Écrits et chuchotements
Arthur Ténor est loin d’être un néophyte puisqu’il a déjà publié une centaine d’ouvrages dans des registres variés. Sa plume est fluide comme on pouvait s’y attendre, mais j’ai été surpris de la trouver si soutenue et surtout si guindée ; les dialogues notamment manquent parfois d’un peu de naturel.
Plus que ce manque de naturel, ce qui m’ait vraiment gêné est le manque de distinction entre les personnages : dans un monde immense dans lequel près de 40.000 langues et dialectes sont parlés, et s’agissant de personnages jeunes qui viennent d’arriver des quatre coins de l’empire, on pouvait s’attendre à ce que chacun dispose d’une identité verbale propre ; il n’en est rien. Comme de surcroit l’auteur n’aide pas beaucoup le lecteur en ne donnant que rarement d’autre moyen de les reconnaître que leur nom, distinguer Éléonor de Mithrite et Ivaar de Orhass n’a pas toujours été évident, notamment en début de roman, et d’autant plus que les intervenants sont nombreux. Heureusement on finit par s’y faire et en fin de roman j’avais les idées claires.
« Plusieurs élèves, notamment les plus jeunes du noviciat d’accès étaient en train de se tordre de douleur au sol.
- C’était cet officier de salle ! lança soudain Akron. J’en suis sûr !
- Quel officier ? demanda Orhass, le cœur encore au bord des lèvres.
Les yeux enflammés de rage meurtrière, le sang-gris se repassait en mémoire le bref échange qu’il avait eu avec ce jeune homme au regard de glace.
- Celui qui nous a servi ! C’est l’empoisonneur ! C’est une ombre assassine. Ivaar, il faut le rattraper !
- Je te suis, camarade ! répondit avec force le Maraudeur.
- Nous venons aussi ! s’écria Mythrite. Parce que nous ne formons qu’une seule entité.
- Alors trouvez-vous une arme et courons ! cria Akron. »
Une Intrigue assassine
L’intrigue centrale du roman tourne autour de la secte d’Anghor et de ses bras armés, les ombres assassines. Bien que l’intrigue ne soit pas très cohérente – les assassinats préliminaires rendent le plan final beaucoup plus aléatoire que s’ils n’avaient pas eu lieu – elle tient le lecteur en haleine sans peine (sauf pour les victimes) d’un bout à l’autre du roman.
Cette intrigue se double de la rivalité forcenée qui s’opère entre les chambrées des Crépusculaires et des Vaillants ; le chef de ces derniers, Krizor, n’étant pas sans rappeler un certain Drago Malefoy, avec nettement plus de courage toutefois. Pour continuer sur son sujet, je n’ai pas été beaucoup plus convaincu par le revirement de situation qui s’opère en fin de roman, ni par la chute particulièrement brutale : aucun indice n’est donné au lecteur pour l’envisager et que ce soit un novice qui remarque ce qui trahit le grand méchant de l’histoire n’est pas particulièrement crédible.
Reste que ces petites failles ne gâchent en rien le plaisir de la lecture.
L’Ombre portée de la couverture
Au-delà de sa qualité intrinsèque, ce premier roman de « L’Académie Diplomatique d’Isuldain » est littéralement porté par sa magnifique couverture, réalisée par Anne-Claire Payet. Elle fait envie et j’en suis la preuve encore vivante - à l’heure où j’écris ces lignes -, puisque c’est elle qui m’a donné envie de participer au concours pour remporter l’ouvrage.
Le travail de correction, de maquettage et de pelliculage a été fait correctement et rien n’a choqué mon œil, maintenant averti. On a tendance à trouver normal que ce soit bien fait, mais vu que ça n’est pas toujours le cas, autant relever le sérieux de Scrineo pour un ouvrage au prix somme toute modique.
J’ai relevé que l’impression avait été effectuée par CPI, sous le label « Imprim’vert », ce qui a attiré mon attention. Je me suis demandé ce que cela voulait dire et j’ai donc pris quelques renseignements : ce label, d’abord régional (Centre-Val de Loire), puis national, étend à présent son influence hors de nos frontières. J’ai espéré que le papier utilisé – un peu épais et légèrement jauni – ait été recyclé, ou soit à tout le moins issu de forêts gérées durablement, mais le label porte plutôt sur la gestion des déchets d’imprimerie, le stockage sécurisé des produits polluants et dangereux, l’interdiction de l’utilisation de produits toxiques, la sensibilisation environnementale des employés et le suivi trimestriel de la consommation énergétique.
Universalité Diplomatique d’ISuldain
Ce roman est destiné à un public jeune, classé « à partir de 12 ans » dans le catalogue de Scrineo. Je n’ai rien trouvé dans le texte qui puisse contredire cette recommandation. Il y a bien quelques morts violentes, mais rien qui soit de nature dans sa description à effaroucher nos chères têtes blondes (et pas plus les brunes qui ne comptent pas pour des prunes).
Arthur Ténor ouvre très clairement la porte à une suite, comme le confirme le sous-titre de l’ouvrage qui sous-entend d’autres tomes. Ce sera d’autant plus évident que la chambrée de Crépusculaires n’en est qu’au début de son apprentissage et que celui-ci promet d’être long.
Vous n’aurez pas été sans noter les nombreux parallèles que j’ai établis avec Harry Potter. Si l’auteur reprend certaines clés de ce succès en espérant les faire siennes, il propose quant à lui un univers beaucoup plus ouvert, plus proche de Tolkien dans l’esprit.
Alors, Youpi ou Yucca ?
Vous l’aurez certainement compris, en dehors de petits défauts de rodage de l’univers, j’ai beaucoup aimé ce roman que j’ai dévoré en une seule soirée. L’univers, que j’ai déjà qualifié de riche et foisonnant, ne demande qu’à être exploré et approfondi et j’espère que ce livre rencontrera suffisamment de succès pour qu’une suite soit publiée. Je le recommande donc à toutes les lectrices et tous les lecteurs, jeunes et moins jeunes, qui chercheraient une série de romans pour poursuivre leur expérience de lecture d’un certain petit sorcier anglais, dans un univers de pure Fantasy.
« Le sang-gris prit une inspiration comme pour chasser le mauvais pressentiment qui l’étreignait depuis quelques secondes. La vérité, c’était qu’il avait la quasi-certitude que derrière cette porte les attendait une très mauvaise, et même horrible surprise. Mais comment l’avouer sans passer pour un pleutre ? Il acquiesça. Ivaar ouvrit la porte .
Une fois dans la chambre, la mauvaise surprise était là, qui les attendait, prête à leur sauter à la gorge… »
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